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Les Turcomans et Turkmènes

Une histoire vaste comme l’Eurasie

Les Oghuz, les Scythes, les Parthes, les Khazars, les Ottomans, etc. sont quelques-uns des noms des peuples qui sont originaires ou se sont établis entre la Mer Caspienne et l’Iran. Malgré une archéologie riche, la préhistoire et la protohistoire de ces peuples sont relativement mal connues, surtout parce qu’ils étaient de tradition orale et que les témoignages qui nous sont parvenus sont ceux de leurs ennemis, qui les désignaient comme Barbares, Scythes, Parthes, sans les distinguer réellement les uns des autres.
C’est peut-être par leur langue qu’on peut se faire une meilleure idée de ce qu’ils étaient. Ils appartiennent en effet aux peuples de langue turque, sans qu’on sache vraiment si cette langue a pour foyer l’actuelle Turquie ou au contraire l’actuel Turkménistan. Et pour cause, ces peuples étaient à la fois des nomades et des conquérants. L’organisation en tribus qui tour à tour étendaient leur zone d’influence crée une incroyable diversité, encore augmentée par les invasions extérieures : Grecs, Mongols, Arabes. Parfois repliés sur eux-mêmes, ces peuples étaient aussi capables d’étendre leur influence jusqu’à l’actuelle Syrie, l’Iran, la Chine, etc. Les Ottomans, de même origine, gagnèrent même toute l’Afrique du Nord.
La langue turkmène fait partie du groupe sud-ouest des langues turques, avec l’osmanli et l’azeri, et comprend plusieurs dialectes: le yomud, le tekke, l’ersari, le göklen.
Le nom de Turc (türk) s’est appliqué à l’origine à un certain nombre de peuples nomades de Haute-Asie dont l’histoire n’est véritablement attestée qu’à partir du VIe siècle après J.-C., lorsque fut fondé un grand empire turc qui s’étendait sur la quasi-totalité de la Sibérie. Plus anciennement, des groupes nomades étaient connus en haute Asie et en Mongolie, mais il est encore difficile de savoir s’il s’agissait de peuples turcs, mongols ou toungouses; il semble en fait que c’étaient plutôt des confédérations de peuples, rassemblés occasionnellement.
Les sources chinoises du Ier millénaire mentionnent un groupe, dénommé Xiongnu, de peuplades nomadisant surtout dans la région de l’Ordos: ces peuplades n’étaient probablement pas turques dans leur totalité, mais les éléments turcs devaient y être prépondérants. Ceux-ci ont constitué, au IIIe siècle avant J.-C., un État puissant, établi d’abord en Mongolie, puis en Chine septentrionale (IIe s. av. J.-C.). Vaincus en 44 après J.-C., ils se sont alors scindés en deux groupes: les Xiongnu orientaux qui, au IVe siècle après J.-C., réapparaissent en Chine où ils ont fondé la dynastie des Bei Han, ou Han du Nord, et les Xiongnu occidentaux qui, chassés vers l’ouest par des tribus mongoles, ont traversé toute la Sibérie, sont passés en Russie, puis en Europe centrale, et sont parvenus jusqu’en Europe occidentale où on les a connus sous le nom de Huns. Défaits aux champs Catalauniques en 451, ils ont alors reflué vers l’est et se sont établis en Russie.
Parmi les voisins orientaux des Xiongnu, les Xianbei, longtemps considérés comme des Toungouses, seraient peut-être des Turcs: ils ont fondé plusieurs dynasties, notamment celle des Wei en Chine du Nord (386-584). Après eux apparaissent ceux à qui les sources chinoises donnent le nom de Tukue (ou Türküt), dans lequel il faut reconnaître le mot «turc». Les Tukue ont fondé un État dans la région du haut Orkhon, peu avant le milieu du VIe siècle: leur premier grand chef, Boumin, prit le titre (probablement mongol) de qagan (souverain). Après sa mort, son fils aîné, Muhan, gouverna la Mongolie tandis que le cadet, Istémi, régnait sur la Dzoungarie et le Haut-Irtych et fondait la dynastie des Tukue occidentaux (peut-on émettre l’hypothèse que les actuels Tékés descendent de cette dynastie ?). Istémi étendit sa domination vers l’Ouest, conquit la Sogdiane (alors grand entrepôt de la soie entre l’Extrême-Orient et le Proche-Orient) et fut même en relation avec l’empereur byzantin Justin II. Après une période où s’instaura la domination chinoise, l’État des Tukue redevint puissant au VIIIe siècle, notamment sous les règnes de Qoutlouq et de Bilghè Qagan: c’est de cette période que datent les fameuses inscriptions de l’Orkhon (715 et 735), premiers documents authentiques en langue turque, qui se rapportent plus spécialement aux Tukue orientaux, ou Turcs célestes (Kök Türk), et fournissent de précieux renseignements sur l’histoire et la civilisation des Tukue. On a longtemps admis que le mot türk (ou türük) signifiait «force, vigueur»; mais ce mot s’applique essentiellement à un peuple, et c’est pour désigner celui-ci que les Arabes ont repris ce terme, lui donnant un sens péjoratif («fruste», «grossier»).
D’autres peuples que les Tukue se rattachaient au groupe türk, et parmi eux les Oghouz, les Qarlouq, les Kirghiz et les Ouïgours (Uigur). Ces derniers, établis sur l’Orkhon, ont succédé en 744 aux Turcs célestes et ont créé un empire qui a duré un siècle, jusqu’à sa destruction par les Kirghiz en 840: certains Ouïgours se sont alors repliés vers le nord du Turkestan chinois, à Beshbaliq, où ils sont demeurés jusqu’au XIVe siècle; d’autres ont émigré en Chine, dans la région du Gansu: ils sont à l’origine des Sari Ouygur (Ouïgours jaunes). Le groupe principal des Ouïgours s’est établi dans le Turkestan chinois et y a créé un État qui s’est étendu jusqu’au Turkestan occidental, lequel a été alors turquifié.
Les Turcs islamisés vers le Xe siècle, adeptes du sunnisme (islam orthodoxe), se sont imprégnés peu à peu de culture iranienne et de culture arabe, et ont adopté l’alphabet arabe. La fondation de l’Empire mongol aurait pu porter un coup fatal à la turquisation. En fait, après l’islamisation des Mongols, les Turcs vont jouer un rôle de plus en plus grand dans les différents États nés du démembrement de l’empire de Gengis khan, en Asie centrale, en Russie méridionale et au Proche-Orient; simultanément, cette islamisation alla de pair avec la turquisation; ainsi l’empire de la Horde d’Or était-il turquisé, et plus encore l’empire de Timur-Leng (Tamerlan). Le nom Tatar, qui désignait à l’origine les Mongols, fut employé, notamment par les Russes, pour désigner aussi bien les Mongols que les Turcs, d’où l’expression turco-tatar qui a été employée jusqu’à une période récente.
L’achèvement complet de la turcisation de l’Asie centrale remonte aux Cagataides, dynastie fondée par le deuxième fils de Gengis khan. Après eux, les Timurides (dynastie fondée par Timur ou Tamerlan en 1370; capitale Samarkand) et les Sheybanides (ou Saibanides, XVIe siècle; capitale Bukhara), bien que turcs, prétendent à une ascendance gengiskhanide.
L’une de ces tribus turques affirme peu à peu sa supériorité sur les autres à partir du milieu du XIVe siècle. Passée en Europe, elle étend progressivement sa domination sur les Balkans; il s’agit des Ottomans, qui, deux siècles plus tard, feront planer la menace turque sur l’Europe, et constitueront le dernier grand empire musulman, dont l’existence a pris fin avec la Première Guerre mondiale. Du XVIe au XIXe siècle, les territoires qui s’étendent de l’Europe centrale aux frontières de la Chine se trouvaient donc pour la majeure partie sous la domination de peuples ou de régimes turcs ou turquisés.
Au XVIIIe siècle, lorsque la présence russe s’affirme en Sibérie aux marges des steppes turques, celles-ci sont partagées, au Nord, entre les trois hordes (juz) dites grande, moyenne et petite, du khanat kazakh, et, dans sa moitié méridionale, entre le khanat de Khiva et les tribus turkmènes qu’il a sous son obédience, l’émirat de Bukhara et le khanat de Kokand. Elles sont livrées à une anarchie dont les Russes vont profiter pour s’infiltrer lentement, obstinément, en jalonnant leur avance de forteresses, avant la conquête militaire finale. Les tribus turkmènes seront les dernières à se rendre (Kazakh passent sous protectorat russe entre 1731 et 1742. En 1868, l’émirat de Bukhara fait allégeance au tsar, en 1873 le Khiva, en 1875-1876, le Kokand, et enfin, en 1873-1881 les turkmènes).
Le Turkestan russe est alors organisé en un gouvernement général relevant du ministère de la Guerre; mais aucune colonisation massive n’y est tentée. Les structures islamiques sont préservées. Néanmoins, l’influence du capitalisme russe bouleverse l’économie traditionnelle. Le sentiment national turkestanais se cristallise au début du XXe siècle, à Bukhara en particulier. La révolution de 1917 entraîne l’Asie centrale dans ses remous. Des soviets et des gouvernements provisoires se créent; une République populaire naît à Bukhara, qui cherche à sauvegarder son indépendance, tandis que se propage à travers tout l’émirat l’importante rébellion antisoviétique des Basmaci (commandée à la fin par Enver Pasa), qui symbolisa la résistance turkestanaise à la colonisation russe; calmée partiellement en 1923, elle dura au moins jusqu’en 1928, sinon plus tard. Cependant, à partir de 1920, la République socialiste du Turkestan s’organise au sein de l’Union avant de se fragmenter en cinq en 1924. Toutes les cinq deviendront indépendante en 1991.

Le Turkménistan, une république aujourd’hui homogène, organisée en tribus

Aujourd'hui, les bergers vivent essentiellement des troupeaux de chèvres, de moutons et de dromadaires.
La société turkmène est très homogène (plus de 75 % des 3,5 millions d’habitants sont turkmènes); la langue turkmène est restée très vivace pendant toute l’époque soviétique. Les traditions tribales sont demeurées extrêmement fortes dans une société avant tout rurale. Les Turkmènes sont de religion musulmane sunnite et ont conservé peu de traditions préislamiques. Pourtant, ils n’ont jamais su s’unifier pour s’opposer à l’expansion russe. Les groupes les plus importants sont: les Tekke, Akhal Tekke et Merv Tekke, nombreux aussi en Iran et à Hérat, les Yomud, sur la Caspienne, les Salor et les Saryq. D’autres descendraient directement de l’ancêtre Oghuz-khan: Tchaudor, Göklen (à la frontière de l’Iran), Igdyr, sur la Caspienne, Khatab, Mukri, Ersari (dans les régions de Kerki et d’Aqcha), Qarqin (sur l’Amu-Daria).
On compte aujourd’hui officiellement sept grandes tribus : Tekke, Yomoud, Saryk, Salyr, Ersary, Tchoudyr, Göklen. Un vrai Turkmène est d’abord loyal à sa tribu et à son clan, avant tout choix idéologique. Les relations entre les grandes tribus relèvent d’un équilibre subtil, où la tribu dominante est celle des Tekke, qui est également la plus nombreuse. Le système tribal ne va pas à l’encontre d’une conscience ethnique très forte. Le gouvernement du Turkménistan a d’ailleurs lancé une politique de contacts intenses avec les Turkmènes de l’étranger (surtout en Iran et en Afghanistan) qui peuvent acquérir automatiquement la nationalité turkmène.
Pour bien marquer son indépendance face à la Russie, le Turkménistan a repris en octobre 1993 un alphabet latin, sensiblement différent de l’alphabet en vigueur en Turquie.

Le monde turkmène : un monde transfrontalier

Mais le monde turkmène déborde largement les frontières du Turkménistan. Outre une forte diaspora mondiale, il faut signaler deux peuplements très anciens : le Nord de l’Iran, en particulier le Khorassan et le Golestan, anciennement appelé Hircanie, et le Nord de l’Afghanistan, où est né le célèbre bouzhkachi, encore pratiqué aujourd’hui.



01/03/2009
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